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30 mai 2022 | Blogue

Les pertes et l'expectative raisonnable de profits

La déductibilité des pertes provenant d'une entreprise/d’un bien, ou des pertes autres qu'en capital, peut faire l'objet de litiges en matière d'impôt sur le revenu. Dans quelles circonstances l'ARC peut-elle refuser les pertes? Jetons-y un coup d'œil.

Par Gerry Vittoratos, expert-fiscaliste

La déductibilité des pertes provenant d'une entreprise/d’un bien, ou des pertes autres qu'en capital, peut faire l'objet de litiges en matière d'impôt sur le revenu. Dans quelles circonstances l'ARC peut-elle refuser les pertes? Jetons-y un coup d'œil.

La Loi de l’impôt sur le revenu et la déductibilité des dépenses

Comme expliqué dans la décision Tonn c. R. (1995), 96 D.T.C. 6001, [1996] 1 C.T.C. 205, trois paragraphes précis de la Loi de l'impôt sur le revenu établissent la déductibilité des dépenses. Le premier est l'imposition des revenus tirés d'une entreprise/d'un bien :

LIR 9(1) - Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

La mention de bénéfice présuppose des dépenses déductibles qui peuvent être utilisées pour réduire les revenus bruts tirés d'une entreprise/d'un bien. Comme mentionné également dans la décision Tonn :

Étant donné que la recherche d'un revenu d'entreprise est fondée sur l'intention de réaliser un bénéfice, le paragraphe 9(1) intègre comme critère de déductibilité l'intention de réaliser un bénéfice.

La restriction générale en ce qui concerne les dépenses déductibles est que les dépenses sont engagées dans le but de tirer ou de produire un revenu d'une entreprise ou d'un bien :

LIR 18(1)(a) - Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

Restriction générale

(a)   les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

La restriction générale indique que les dépenses sont déductibles tant qu'elles ont pour but de générer un revenu d'une entreprise/d'un bien. Une fois satisfaites, certaines dépenses sont soumises à des limites spécifiques, comme indiqué dans l'article 18 de la LIR. Dans ce paragraphe, il y a l'intention implicite que la dépense doit être engagée avec l'intention de produire un bénéfice [Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu national), [1988] 2 S.C.R. 175, [1988] 2 C.T.C. 294].

La LIR stipule également que les dépenses de nature personnelle ne peuvent être déduites :

LIR 18(1)(h) le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable — à l’exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise pendant qu’il était absent de chez lui;

Dans de nombreux cas où l'ARC refuse de reconnaître les pertes provenant d'une entreprise/d'un bien, l'agence classera les dépenses qui créent la perte comme étant de nature personnelle.

Dans les paragraphes mentionnés ci-dessus apparaît clairement la notion de profits, ou l'intention de réaliser des profits étant nécessaire pour la reconnaissance des revenus et des dépenses d'une entreprise ou d'un bien. Cependant, comme nous le verrons ci-dessous, l'intention de réaliser un profit ne suffit pas.

L’argument concernant l’expectative raisonnable de profit (ERDP)

Dans presque tous les cas où les pertes provenant d'une entreprise/d'un bien sont contestées par l'ARC, la raison est fondée sur le concept d'expectative raisonnable de profit. Comme mentionné ci-dessus, il doit y avoir une intention de réaliser un profit pour que ces pertes soient déductibles. Cependant, dans de nombreux cas contestés par l'ARC, l'intention ne suffit pas; il doit y avoir une analyse de rentabilisation solide démontrant que l'entreprise/le bien est capable de générer des profits. C'est ce que l'on appelle communément le critère de l'« expectative raisonnable de profits ».

Le fondement du critère de l'expectative raisonnable de profits est l'affaire Moldowan [Moldowan c. R., [1978] 1 S.C.R. 480, [1977] C.T.C. 310, 77 D.T.C. 5213], où la Cour suprême a statué sur les pertes provenant d’une exploitation agricole dans le cas d'une ferme d'agrément. Dans cette affaire, le juge a établi des critères pour déterminer s'il existe une expectative raisonnable de profits. Les critères sont les suivants :

·        l’état des profits et pertes pour les années antérieures;

·        la formation du contribuable;

·        la voie sur laquelle le contribuable entend s’engager; et

·        la capacité de l’entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l’allocation à l’égard du coût en capital.

Cette liste n'est pas exhaustive. Cependant, l'exigence mentionnée ci-dessus d'une entreprise commerciale/immobilière viable est clairement indiquée. Ceci est communément connu sous le nom de critère de Moldowan et constitue la référence pour de nombreuses affaires judiciaires fondées sur des pertes provenant d'entreprises/de biens non autorisées. Comme le juge dans l'affaire Maloney [Maloney c. Ministre du Revenu national (1989), 89 D.T.C. 314 (C.T.C.)] l'a mentionné lors de l'interprétation du critère de Moldowan :

Les espoirs et rêves commerciaux subjectifs et de bonne foi d'un particulier contribuable ne confèrent pas à son entreprise une expectative raisonnable de profit si cette entreprise ne répond pas aux critères objectifs d'une entreprise prudente dans des circonstances similaires.

Le gouvernement autorise néanmoins une certaine marge de manœuvre quant au critère de l'expectative raisonnable de profits, et c'est dans la phase initiale de démarrage de l'exploitation d'une entreprise/d'un bien. L'ARC sera généralement plus permissive à l'égard des pertes provenant d'une entreprise/d'un bien au cours des premières années d'exploitation d'une nouvelle entreprise. Il n'y a pas de durée uniforme attribuée à cette phase de démarrage; il s'agit d'une analyse cas par cas en fonction des faits inhérents à chaque cas. Dans certains cas, comme l'affaire Tonn ci-dessus, l'ARC n'a pas voulu tenir compte d'une phase de démarrage.

La décision Stewart et la refonte du concept d'expectative raisonnable de profit

La décision Moldowan mentionnée ci-dessus et les lignes directrices énoncées par cette décision ont été la référence en matière de détermination des pertes provenant d'une entreprise/d’un bien. Cependant, une décision plus récente, Stewart c. la Reine [2002 CSC 46], remet en question les lignes directrices concernant l'ERDP mentionnées ci-dessus.

Il faut dorénavant aborder la déductibilité de ces pertes en deux étapes :

Étape 1 - Déterminer si l'activité est de nature personnelle ou s'il s'agit d'une activité commerciale légitime (cette étape suit le raisonnement de la LIR mentionné plus haut); et

Étape 2 - Déterminer la déductibilité des dépenses.

Dans l'affaire Stewart, la question portait sur la déductibilité des intérêts pour une hypothèque contractée sur des immeubles locatifs dans lesquels aucun profit n'a été réalisé pendant plusieurs années. Selon la décision de la Cour suprême, faisant référence à l'affaire Ludco :

Le sens ordinaire [du sous-al. 20(1)c)(i)] n’appuie pas l’interprétation selon laquelle « revenu » équivaut à « profit » ou à « revenu net ».  Le texte de la disposition ne propose aucun critère quantitatif.  Le texte de la Loi n’appuie pas non plus une interprétation du mot « revenu » qui impliquerait que le tribunal doit se demander si le revenu a un caractère suffisant.

Nous pouvons constater d'après la citation ci-dessus que le critère de Moldowan concernant l'expectative raisonnable de profit a été, à toutes fins utiles, éliminé. L'accent doit désormais être porté, lorsqu'il s'agit de ces cas, sur la question de savoir si l'entreprise est une activité commerciale de bonne foi ou de nature personnelle.

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