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14 avril 2022 | Blogue

Changements relatifs aux transferts intergénérationnels

Le projet de loi C-208, déposé en juin 2021, a apporté des modifications importantes à des dispositions anti-évitement spécifiques liées aux transferts intergénérationnels de sociétés familiales. Examinons ces modifications de plus près.

Par Gerry Vittoratos, expert-fiscaliste

Le projet de loi C-208, déposé en juin 2021, a apporté des modifications importantes à des dispositions anti-évitement spécifiques liées aux transferts intergénérationnels de sociétés familiales. Examinons ces modifications de plus près.

Article 84.1 - Dépouillement de surplus

L'article 84.1 de la LIR a été établi par le gouvernement fédéral pour empêcher ce qu'il considère comme le dépouillement de surplus. Le but est d'empêcher les actionnaires de retirer les bénéfices générés par la société au moyen d'un rendement du capital investi fiscalement avantageux au lieu d'un dividende imposable. Par exemple, un échange d'actions d'une société en exploitation vers une société de portefeuille appartenant à des personnes liées dans le but de concrétiser la déduction pour gains en capital. La concrétisation de la déduction pour gains en capital est caractéristique des techniques relatives au gel successoral utilisées par les sociétés familiales pour transférer des actions à la génération suivante. Cette disposition rend beaucoup plus compliqués ces transferts intergénérationnels.

Dans un article de blogue précédent, nous avons expliqué en détail cette disposition anti-évitement et ce qui déclenche plus particulièrement l'application de la disposition. Les conditions sont les suivantes [LIR 84.1(1)] :

Conditions

1-

Le contribuable réside au Canada (autre qu'une société)

2-

Dispose d'actions qui sont des immobilisations du contribuable (« actions concernées »)

3-

Les actions cédées sont le capital-actions d'une société résidant au Canada (« société en cause »)

4-

Les actions sont acquises par une autre société (« acheteur »)

5-

Le contribuable et l'acheteur ont un lien de dépendance [LIR 251(1)/251(2)]

6-

L'acheteur et la société en cause sont des sociétés rattachées après la transaction [LIR 186(4)]

Le projet de loi C-208 modifie l'une de ces conditions, la condition numéro 5 ci-dessus, en modifiant la définition de personne sans lien de dépendance. À compter de 2021 (plus précisément le 29 juin 2021), le contribuable et l'acheteur sont réputés n’avoir entre eux aucun lien de dépendance si l'acheteur est contrôlé par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants du contribuable alors que ceux-ci sont âgés de dix-huit ans ou plus [LIR 84.1(2)e)]. Pour que cette nouvelle interprétation du principe d'absence de lien de dépendance s'applique, l'acheteur ne peut disposer des actions dans les 60 mois suivant leur achat [LIR 84.1(2)e)].

Le projet de loi limite également la demande de déduction pour gains en capital en la réduisant [LIR 110.6(2) et (2.1)] pour le vendeur si la société a un capital imposable supérieur à 10 millions de dollars, et en l'éliminant si le capital imposable est supérieur à 15 millions [LIR 84.1(2.3)b)].

Article 55 - Dépouillement des gains en capital

Une autre disposition anti-évitement, l'article 55, empêche certains arrangements pour convertir le gain en capital qui serait réalisé lors de la disposition d'une action en un dividende libre d'impôt en utilisant la déduction pour dividendes intersociétés [LIR 112(1), 112(2), 138(6)]. En vertu de cet article, le dividende reçu dans le cadre de ces arrangements est requalifié en gain en capital ou en produit de disposition à prendre en compte dans le calcul d'un gain en capital [LIR 55(2)].

Les conditions qui déclenchent l'application de cet article sont les suivantes [LIR 55(2.1)] :

Conditions

un dividende imposable reçu par une société résidant au Canada (appelée bénéficiaire de dividende aux paragraphes (2) à (2.2) et (2.4)) dans le cadre d’une opération, d’un événement ou d’une série d’opérations ou d’événements si les énoncés ci-après se vérifient :

1-

le bénéficiaire de dividende a droit à une déduction en vertu des paragraphes 112(1) ou (2) ou 138(6) relativement au dividende;

2

 

l’un des objets du paiement ou de la réception du dividende (ou, dans le cas d’un dividende visé au paragraphe 84(3), l’un de ses résultats) a été de diminuer sensiblement la partie du gain en capital qui, sans le dividende, aurait été réalisée lors d’une disposition d’une action du capital-actions à la juste valeur marchande effectuée immédiatement avant le dividende,

OU

le dividende — à l’exception d’un dividende qui a été reçu lors du rachat, de l’acquisition ou de l’annulation d’une action par la société l’ayant émise auquel le paragraphe 84(2) ou (3) s’applique — a été reçu sur une action qui est détenue à titre d’immobilisation par le bénéficiaire de dividende et l’un des objets du paiement ou de la réception du dividende est, selon le cas :

·        de diminuer sensiblement la juste valeur marchande d’une action, ou

·        d’augmenter sensiblement le coût des biens de sorte que le montant qui correspond au total des coûts indiqués des biens du bénéficiaire de dividende immédiatement après le dividende soit sensiblement supérieur au montant qui correspond au total des coûts indiqués des biens du bénéficiaire de dividende immédiatement avant le dividende;

4-

le montant du dividende est supérieur au montant du revenu gagné ou réalisé par une société — après 1971 et avant le moment de détermination du revenu protégé quant à l’opération, à l’événement ou à la série d’opérations ou d’événements — qu’il serait raisonnable de considérer comme contribuant au gain en capital qui aurait été réalisé lors d’une disposition à la juste valeur marchande, effectuée immédiatement avant le dividende, de l’action sur laquelle le dividende a été reçu.

5-

Le dividende n'est pas assujetti à l'impôt prévu à la partie IV [LIR 55(2)].

L'article 55 ne s'applique pas si la série d'opérations est effectuée entre des personnes liées [LIR 55(3)a)]. Cependant, selon les anciennes règles, les frères et sœurs étaient considérés comme non liés aux fins de cet article [LIR 55(5)e)i)]. Le projet de loi C-208 modifie cette définition, et désormais les frères et sœurs peuvent être considérés comme liés si le dividende reçu de la société est le capital-actions d'une action admissible de petite entreprise ou une action du capital-actions d'une entreprise agricole ou de pêche familiale, au sens du paragraphe 110.6(1) [LIR 55(5)e)i)].

Autres considérations et éventuelles modifications futures

Les modifications apportées par le projet de loi C-208 ci-dessus éliminent substantiellement les obstacles aux transferts intergénérationnels pour les sociétés familiales. Cependant, il existe des lacunes potentielles importantes dans ces modifications qui n'ont pas encore été corrigées. Par exemple, bien que la société acheteuse soit tenue de ne pas vendre les actions dans les 60 mois suivant l'achat, rien n'exige que les enfants soient les actionnaires de la société acheteuse pendant la durée de la période de 60 mois, ou qu'ils soient impliqués de quelque manière que ce soit dans l'entreprise. Une autre lacune potentielle est le fait que rien dans les modifications n'empêche la société mère d'acheter la société acheteuse plus tard. Essentiellement, il manque beaucoup de petits caractères nécessaires dans ces modifications qui empêcheraient les sociétés familiales d'exploiter potentiellement ces lacunes.

Le ministère des Finances du Canada a abordé ces lacunes potentielles dans un communiqué de presse. Le ministère propose, dans les modifications futures, de traiter les problèmes suivants :

·        l’obligation de transférer le contrôle juridique et le contrôle de fait de la société exploitant l’entreprise du parent à son enfant ou à son petit-enfant;

·        le niveau de propriété de la société exploitant l’entreprise que le parent peut conserver pendant une période raisonnable suivant le transfert;

·        les obligations et le calendrier pour que le parent transfère sa participation dans l’entreprise à la génération suivante;

·        le niveau de participation de l’enfant ou du petit-enfant à l’entreprise suivant le transfert.

Le point à retenir du communiqué de presse ci-dessus est la nécessité, lors de la mise en œuvre de ces transferts intergénérationnels, d'être conscient des futurs changements potentiels à ces modifications. Le gouvernement fédéral tient à s'assurer que ces transferts sont des transferts de bonne foi entre les membres de la famille et que les sociétés en cause et les acheteurs sont véritablement contrôlés, pendant une période prolongée, par les membres de la famille.

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